Exil doré des Bongo : L’Union africaine mobilisée pour sauver le soldat Ali Bongo et sa famille

Sous la pression de l’Union africaine (UA) et de plusieurs chefs d’État, l’ancien président gabonais Ali Bongo a quitté jeudi soir tout sourire discrètement Libreville avec l’ensemble de sa famille pour Luanda. Une démonstration de solidarité présidentielle qui tranche avec l’inaction reconnue de l’UA face aux souffrances des peuples africains.

À peine le président Brice Clotaire Oligui Nguema installé au pouvoir, les vieux réflexes mafieux de l’Union africaine ont refait surface. Depuis la transition, une mobilisation diplomatique d’une rare intensité a permis à Ali Bongo, à son épouse Sylvia et à leur fils Noureddin d’oublier leur chute du pouvoir confisqué au peuple durant 5 decennies. Objectif : les soustraire à une justice gabonaise pourtant décidée à faire toute la lumière sur une décennie d’abus, de détournements et de prédation d’État. L’image est forte : pendant que les peuples africains luttent pour survivre, leurs anciens bourreaux trouvent refuge entre les bras complices de leurs pairs.
Lourenço en chef d’orchestre du deal
Au cœur de ce dispositif de sauvetage mené depuis 20 mois, le président angolais João Lourenço, qui s’est érigé en véritable agent de liaison entre Libreville et l’Union africaine. Officiellement en visite le 12 mai à Libreville, il a rencontré à deux reprises Ali Bongo, mais aussi Oligui Nguema, pour peaufiner les modalités de cet exil masqué en libération. Lourenço, qui préside actuellement l’UA, s’est même vanté d’avoir « joué un rôle clé dans la résolution humanitaire » du dossier. Une manière élégante de dire qu’il a aidé un ancien président contesté à fuir ses responsabilités judiciaires.
La rencontre de ce lundi entre Ali Bongo et son sauveur à Libreville
L’opération, minutieusement orchestrée, a bénéficié du soutien appuyé d’autres figures de la vieille garde africaine : Denis Sassou Nguesso du Congo, Paul Biya du Cameroun, et même Faustin-Archange Touadéra de Centrafrique, pourtant désigné « facilitateur » dans le cadre de la crise post-putsch au Gabon. Tous ont œuvré de concert pour obtenir des nouvelles autorités gabonaises ce que le peuple n’a jamais eu : la reddition des comptes. Une telle solidarité présidentielle est un spectacle édifiant. Elle ne sert ni la paix, ni la justice, ni les institutions : elle protège simplement les puissants entre eux.
Une Union africaine au service des puissants
Car pendant que l’UA se mobilise pour le confort d’Ali Bongo et de sa famille, que fait-elle pour les peuples africains ? Rien. Au Soudan, des centaines de milliers de civils sont pris en étau entre deux armées. En RDC, les massacres à l’est se multiplient dans une indifférence glaciale. Dans le Sahel, la jeunesse meurt, privée d’avenir et de gouvernance stable. Mais pour l’UA, ces réalités sont secondaires. La vraie urgence, semble-t-il, c’est de faire en sorte qu’aucun ancien président ne goûte aux rigueurs de la justice.
Cette fuite d’Ali Bongo ressemble à un marché honteux. Le Gabon, suspendu de l’UA après le coup d’État d’août 2023, a retrouvé sa place le 30 avril. Quelques jours plus tard, les Bongo plient bagage. Le signal est désastreux : pour réintégrer le concert des chefs d’État africains, mieux vaut faire preuve de clémence envers ses prédécesseurs. Ce n’est plus une organisation continentale, c’est un club privé, où l’impunité est la seule carte d’adhésion.
Le peuple spolié, la clique protégée
Le peuple gabonais, lui, n’a pas oublié. Il se souvient de l’appauvrissement, du chômage, des détournements de fonds publics, du pillage du pétrole et des forêts, pendant que le clan Bongo menait grand train. Aujourd’hui, ces mêmes Gabonais assistent, impuissants, à la sortie par la grande porte d’un homme et de sa famille qui auraient dû rendre des comptes. Et l’UA, dans son rôle le plus servile, joue les convoyeurs de luxe pour dirigeants déchus.
Ce cas n’est pas isolé. Blaise Compaoré, Yahya Jammeh, François Bozizé… tous ont bénéficié, à un moment ou à un autre, de la mansuétude africaine. Pas pour des raisons de justice, ni de réconciliation nationale. Simplement parce que l’élite politique africaine se protège elle-même. L’Union africaine ne lutte pas contre les abus de pouvoir : elle les recycle, les absout, les couvre, dans un simulacre de diplomatie où les peuples n’ont plus leur mot à dire.
Une institution vidée de sa mission
Ce nouvel épisode gabonais est une gifle. Il révèle crûment le fossé entre les aspirations des populations africaines et les calculs d’appareil d’une UA devenue l’ombre d’elle-même. Le jour où l’organisation continentale défendra avec la même ferveur les victimes que les présidents déchus, alors peut-être pourra-t-on la considérer comme une force au service du continent. En attendant, elle n’est qu’un syndicat de chefs d’État, prompt à sauver les siens, sourd aux souffrances des autres.
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