Différend frontalier à la CIJ : Le Gabon perd la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga

Mauvaise nouvelle pour le Gabon. La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu ce lundi 19 mai son arrêt très attendu dans le différend territorial opposant le Gabon et la Guinée équatoriale depuis plus de 50 ans. En jeu : la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga situées dans la baie de Corisco, ainsi que la validité des titres juridiques relatifs à la délimitation terrestre et maritime entre les deux États. Résultat : la balance penche clairement en faveur de Malabo.

Au cœur du différend : la fameuse « convention de Bata » signée en 1974 entre les présidents Omar Bongo et Francisco Macías Nguema. Le Gabon soutenait que ce document réglait la question des frontières et confirmait sa souveraineté sur les îles disputées. La CIJ, après examen, a rejeté cet argument : la convention de Bata, bien que signée, ne présente pas les caractéristiques d’un traité juridiquement contraignant. La Cour a relevé l’absence de mise en œuvre concrète, de ratification et de volonté explicite des deux parties d’être liées juridiquement.
La convention de Bata écartée
Le Gabon fondait principalement ses prétentions sur la fameuse « convention de Bata » signée en 1974 entre les présidents des deux États. Ce texte aurait établi une reconnaissance gabonaise sur l’île Mbanié, en échange de concessions territoriales à la Guinée équatoriale. Or, la Cour n’a pas reconnu ce document comme un traité juridiquement contraignant. « La “convention de Bata” ne constitue pas un titre juridique au sens du paragraphe 1 de l’article premier du compromis » , ont estimé les juges.
Tableau 1 : Résumé du différend et de la décision de la CIJ
Élément | Détail |
---|---|
Pays concernés | Gabon 🇬🇦 et Guinée équatoriale 🇬🇶 |
Objets du litige | Souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga |
Historique du conflit | Flou depuis la colonisation (accord franco-espagnol de 1900) |
Saisine de la CIJ | 5 mars 2021 (compromis signé en 2016, entré en vigueur en 2020) |
Audience publique | Du 30 septembre au 4 octobre 2024 à La Haye |
Décision rendue | 19 mai 2025 |
Arrêt rendu par | Cour internationale de Justice (CIJ), présidée par Julia Sebutinde |
Résultat | Souveraineté des trois îles accordée à la Guinée équatoriale |
Motif principal retenu | Titres coloniaux espagnols valables au 12 octobre 1968 |
Rejet de l’argument gabonais | La « convention de Bata » de 1974 non considérée comme un titre |
Dans un passage décisif de son arrêt, la CIJ note que les États n’ont jamais donné suite aux dispositions contenues dans ce document, et que « le comportement ultérieur des Parties […] indique de manière convaincante qu’elles ne considéraient pas que la “convention de Bata” fût un traité » . La Cour a également relevé l’absence d’éléments probants quant à l’authenticité du texte et des intentions des signataires. « Elle ne dispose d’aucun compte rendu établi à l’époque, ni de documents préparatoires permettant d’éclairer l’intention des Parties » .
Héritage colonial et souveraineté
La souveraineté des îles litigieuses repose donc, selon la CIJ, sur les titres coloniaux transmis par l’Espagne à la Guinée équatoriale. Dès le XIXe siècle, l’Espagne avait manifesté son autorité sur les îles concernées : annexion de Mbanié en 1846, installations militaires, administration effective, balisage maritime reconnu par la France, etc.
Tableau 2 : Conséquences et implications
Conséquence / Acteur | Position / Effet |
---|---|
Guinée équatoriale | Victoire diplomatique ; reconnaissance de souveraineté |
Gabon | Revendication rejetée ; aucun recours possible |
Îles concernées | Mbanié, Cocotiers, Conga désormais sous souveraineté équato-guinéenne |
Convention de la mer (UNCLOS) | Non applicable comme titre de souveraineté selon la CIJ |
Possibilités futures | Coopération bilatérale sur ressources halieutiques et hydrocarbures |
Prochaines étapes | Mise en œuvre du jugement ; renforcement du dialogue diplomatique |
Position de la CIJ | « Sa décision est définitive, contraignante et sans appel » |
À aucun moment, ni la France coloniale ni le Gabon indépendant n’ont contesté cette autorité, ce que la Cour interprète comme un acquiescement. « En 1970, la Guinée équatoriale a promulgué un décret établissant les limites de ses eaux territoriales incluant les îles Elobey, Corisco, Mbañe, Conga et Cocotiers, sans que le Gabon n’y oppose d’objection » , souligne l’arrêt.
Une défaite juridique pour le Gabon
C’est donc un revers pour Libreville, qui réclamait la souveraineté sur Mbanié et une reconnaissance de la convention de Bata comme traité fondateur. « Le Gabon soutenait que ladite convention constituait un accord définitif sur les frontières » , a rappelé la CIJ, mais ce point n’a pas été retenu.
En réponse, la Guinée équatoriale arguait que « la convention de Bata n’était au mieux qu’un engagement à poursuivre les négociations » .
Pas de délimitation, mais des titres reconnus
La Cour a cependant rappelé que sa mission n’était pas de « délimiter les frontières terrestre et maritime ni de trancher la souveraineté » en tant que telle, mais d’établir quels titres juridiques faisaient foi dans les relations entre les deux États.
En l’occurrence, elle a reconnu la validité de la convention franco-espagnole de 1900 et du droit international coutumier en matière maritime comme fondements légaux. En revanche, la convention des Nations unies sur le droit de la mer, bien que pertinente, ne constitue pas un « titre juridique » stricto sensu.
Une décision qui pourrait pacifier durablement
Alors que ce litige empoisonnait les relations bilatérales depuis des décennies — entraînant parfois des tensions militaires dans la baie de Corisco —, la décision de la CIJ devrait désormais clarifier les rapports de voisinage. Reste à voir si elle sera pleinement acceptée par les deux États.
L’arrêt du 19 mai, lu par la juge Julia Sebutinde, précise que « cette décision est définitive et contraignante » . Dans un monde où les différends frontaliers sont souvent sources de conflits armés, cette résolution pacifique représente une victoire du droit international.
Satisfécit équato-guinéen
Du côté équato-guinéen, cette décision est saluée comme une grande victoire diplomatique. Le ministère des Affaires étrangères de Malabo a immédiatement publié un communiqué dans lequel il salue « le triomphe de la vérité historique et juridique » . Le président Teodoro Obiang Nguema a exprimé sa « satisfaction pour cette décision qui consolide la paix et la stabilité dans la région » .
Le Gabon, pour sa part, n’a pas encore officiellement réagi. Dans les cercles diplomatiques, certains évoquent une « déception contenue » face à un verdict jugé « juridiquement cohérent mais politiquement lourd ». Car cette décision enterre une longue revendication nationale autour de Mbanié, vue par certains comme un territoire symbolique.
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